LORENZACCIO - Alfred de MUSSET

Acte I, scène 4

Le portrait de Lorenzo par le Duc et sa cour...

Le portrait des proches: Marie et Catherine

Acte III, scène 3

"Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre..."

Le monologue à la lune.

Une fin tragique.

ODES - Ronsard.

GARGANTUA - Rabelais

TIERS LIVRE - Rabelais.

JACQUES LE FATALISTE - Didereot
L'épisode de Mme de La Pommeraye (extrait)

DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE - Voltaire
  Torture
L'ENCYCLOPEDIE - Dumarsais
Tome 12

Philosophe

LES CHATIMENTS - Victor Hugo

Souvenir de la nuit du 4

PHEDRE - Racine

L'aveu à Oenone

PIERRE ET JEAN - Maupassant

Guy de MAUPASSANT (site ami)

LES FLEURS DU MAL, Baudelaire

  Spleen: "Quand le ciel bas et lourd..."
POESIES, Rimbaud

 

Le Dormeur du val

L'ENFANT, J.VALLES

 

"[...]ma mère a bien fait de me battre."

CANDIDE , VOLTAIRE

  Chapitre 6, L’autodafé
ST LUC, Evangile
 

15. 11-32

GIRAUDOUX, ELECTRE
 

L'Entracte (Lamento du jardinier)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MUSSET, Lorenzaccio, I,6


L’extrait :

CATHERINE. Ah! cette Florence! c'est là qu'on l'a perdu! N'ai-je pas vu briller quelquefois dans ses yeux le feu d'une noble ambition? Sa jeunesse n'a-t-elle pas été l'aurore d'un soleil levant ? Et souvent encore aujqurd'hui il me semble qu'un éclair rapide... -Je me dis malgré moi que tout n'est pas mort en lui.
MARIE. -Ah! tout cela est un abîme! tant de facilité, un si doux amour de la solitude! Ce ne sera jamais un guerrier que mon Renzo, disais-je en le voyant rentrer de son collège, avec ses gros livres sous le bras; mais un saint amour de la vérité brillait sur ses lèvres et dans ses yeux noirs. lI lui fallait s'inquiéter de tout, dire sans cesse: "Celui-là est pauvre, celui-là est ruiné; comment faire ?" Et cette admiration pour les grands hommes de son Plutarque! Catherine, Catherine, que de fois je l'ai baisé au front en pensant au père de la patrie ! CATHERINE. -Ne vous affligez pas.
MARIE. -Je dis que je ne veux pas parler de lui, et j'en parle sans cesse. Il y a de certaines choses, vois-tu, les mères ne s'en taisent que dans le silence éternel. Que mon fils eût été un débauché vulgaire, que le sang des Soderini eût été pâle dans cette faible goutte tombée de mes veines, je ne me désespérerais pas; mais j'ai espéré et j'ai eu raison de le faire! Ah! Catherine, il n'est même plus beau; comme une fumée malfaisante la souillure de son coeur lui est monté au visage. Le sourire, ce doux épanouissement qui rend la jeunesse semblable aux fleurs, s'est enfui de ses joues couleur de soufre, pour laisser grommeler une ironie ignoble et le mépris de tout.
CATHERINE. -Il est encore beau quelquefois dans sa mélancolie étrange.
MARIE. -Sa naissance ne l'appelait-elle pas au trône ? N'aurait-il pas pu y faire monter un jour avec lui la science d'un docteur, la plus belle jeunesse du monde, et couronner d'un diadème d'or tous mes songes chéris ? ne devais-je pas m'attendre à cela ? Ah! Cattina, pour dormir tranquille, il faut n'avoir jamais fait certains rêves. Cela est trop cruel d'avoir vécu dans un palais de fées, où murmuraient les cantiques des anges, de s'y être endormie, bercée par son fils, et de se réveiller dans une masure ensanglantée, pleine de débris d'orgie et de restes humains, dans les bras d'un spectre hideux qui vous tue en vous appelant encore du nom de mère.

Alfred de MUSSET, Lorenzaccio, I, 6

 

ATTENTION! La présentation ci-dessous correspond à une METHODE POUR L'ORAL du bac qu'il est vivement conseillé de connaître pour une bonne utilisation de toute fiche ainsi présentée!

 

L’Intro :

L'un des plus aboutis des drames romantiques, Lorenzaccio paraît en 1934. Destiné à la seule lecture par Musset, le texte se distingue par une grande liberté dont le renoncement aux vers rimés n'est pas la moindre. on note en outre un espace multiple, une durée souple, une variété de ton quiva du sarcasme au lyrisme...

La longueur exceptionnelle du drame, confère à l'acte I une valeur d'exposition. Deux portraits du personnage éponyme retiennent notre attention. L'un, à la scène 4, où Alexandre et sa cour dépeignent un personnage ambigu, lâche pour certains, immoral pour tous et même dangereux pour le prince qu'il semble pourtant servir avec zèle. L'autre portrait à la scène 6 se présente au travers d'un dialogue entre Catherine et Marie, respectivement tante et mère de Lorenzo. On y découvre un Renzo doux et généreux promis au plus bel avenir devenu Lorenzaccio, pseudonyme au suffixe éloquent quant à la dépravation nouvelle de l'homme.

Lecture du texte

Cet extrait se présente tout d'abord comme le souvenir nostalgique et pathétique d'une mère qui veut oublier un fils dont le coeur n'est plus que "souillure et mépris de tout". Du contrast inexpliqué entre passé et présent naît l'ambiguïté réaffirmée du personnage, ambiguïté que l'art de la formule chez Musset transforme en une complexité propre à attiser la curiosité du lecteur.

 

 

Références textuelles

Analyses

Interprétations

I. Le souvenir nostalgique et pathétique d'une mère:

a) souvenir nostalgique et pathétique

Le bord de l'Arno

Ah! cette Florence! c'est là qu'on l'a perdu!

didascalie de début de scène
et
début réplique Catherine
(voir)

un cadre "romantique" propice à la nostalgie et à l'influence délétère

Ah! tout cela est un abîme[...]
en pensant au père de la patrie !
(voir texte)

Je dis que je ne veux pas parler de lui [...] une ironie ignoble et le mépris de tout.
(voir texte)

Première réplique de Marie
(temps: imparfait , PC)

s'oppose à

Deuxième réplique de Marie
temps: présent (description) et PC (souvenir + révolu)

La confrontation de Lorenzo à Lorenzaccio s'exprime dans ces deux répliques qui reprennent l'opposition passé/présent

facilité, doux amour, saint amour

termes appréciatifs (réplique 1)

le regard nostalgique et aimant d'une mère pour son fils (passé)

débauché vulgaire, même plus beau, souillure de son coeur, ironie ignoble, mépris de tout

termes dépréciatifs forts (réplique 2)

le regard pathétique d'une mère qui souffre

de ce contraste naît le "mystère Lorenzo" au coeur de l'intrigue

Sa naissance ne l'appelait-elle pas au trône ? [...] en vous appelant encore du nom de mère.

La troisième réplique de Marie
conditionnel passé (futur dans le passé)

un destin brisé: Lorenzo était promis à un destin de "père de la patrie" ce qui rend sa déchéance plus pathétique encore

un palais de fée/une masure ensanglantée
son fils/spectre hideux

antithèses + métaphores

opposition poignante, pathétique: Marie ne peut s'empêcher de se faire souffrir

Je dis que je ne veux pas parler de lui, et j'en parle sans cesse

chiasme

la contradiction des sentiments d'une mère

b) Le rôle de Catherine

3 répliques

courtes
relancent les répliques de Marie

rôle secondaire, oreille complice, compatissante et apaisante

N'ai-je pas vu briller quelquefois dans ses yeux le feu d'une noble ambition? Sa jeunesse n'a-t-elle pas été l'aurore d'un soleil levant ?

questions oratoires
+ termes valorisants
+métaphore élogieuse qui évoque le destin prometteur de L.

initie la confession de Marie et la place sous le signe de la nostalgie

Et souvent encore aujourd'hui il me semble qu'un éclair rapide... -Je me dis malgré moi que tout n'est pas mort en lui.
Il est encore beau quelquefois dans sa mélancolie étrange.

noter les pts de susp.
adverbe temps

expression de l'espoir

expression du mystère

sous entendu, suspense: y-aurait-il à espérer encore (Attention: double énonciation = ce doute continue de s'instiller dans l'esprit du lecteur)

Ne vous affligez pas.

courte réplique
impératif (conseil)

rôle apaisant de C.

II. L'ambiguïté réaffirmée du personnage.
(déjà à la scène 4, cette ambiguïté apparaissait dans les commentaires contrastés du duc et de ses proches - la première partie ci-dessus a déjà établi l'évolution inexpliquée du personnage de Lorenzo à Lorenzaccio)

a. les formules élogieuses

le feu d'une noble ambition
l'aurore d'un
soleil levant
un
éclair rapide
brillait sur ses lèvres
couronner d'un
diadème d'or

métaphore filée du feu solaire

attributs traditionnels du héros mythique
héros solaire, noblesse du visage... mais le héros romantique n'obéit que partiellement au manichéisme épique

une noble ambition
père de la patrie
trône

vocabulaire politique

Lorenzo de Médicis pouvait prétendre (plus qu'Alexandre) au trône...

Et cette admiration pour les grands hommes de son Plutarque!

référence antique + connotation de l'héroïsme

Plutarque, auteur grec (50-125) a écrit La vie parallèle des hommes illustres qui présente des modèles héroïques. Le héros romantique est sensible à cette filiation illustre même si son destin l'écarte des grandes réalisations (cf Napoléon)

facilité, doux, solitude, livres, vérité, s'inquiéter de tout

vocabulaire appréciatif
+ livres (instruction, intellectuel)

le petit Renzo: l'enfance d'un prince humaniste...

Lorenzo, autrefois, réunissait tous les attributs du héros renaissance, humaniste: beauté, générosité, douceur, culture...

b. Les formules de la déchéance

c'est là qu'on l'a perdu
tout cela est un abîme

connotation de la mort

Renzo est mort au profit de Lorenzaccio

débauché vulgaire
spectre hideux

groupes nominaux doublement dévalorisants
+ gradation dans le -

périphrases sans équivoque ds la bouche de Marie

il n'est même plus beau

tournure négative

un temps révolu

masure ensanglantée, pleine de débris d'orgie et de restes humains

image cauchemardesque

la corruption profonde de L. rejaillit même sur les siens

comme une fumée malfaisante, la souillure de son coeur lui est montée au visage
ses joues couleur de soufre

comparaison +
terme dépréciatif fort +
CL du
visage (apparence)

 

une débauche "visible", stigmatisation du mal
(déchéance physique)

spectre hideux

le mot spectre connote la maigreur de L.

déchéance physique

ses joues couleur de soufre

connotation du diable

malédiction

ironie ignoble
mépris de tout

ironie et cynisme

Un Lorenzaccio méconnaissable.
(déchéance morale)

 

Conclusion.

Après le Lorenzo lâche de la scène 4, c'est un Lorenzo happé par le vertige de la débauche et du vice qui apparaît au lecteur et ce dans la bouche de celles qui l'ont aimé (et peut-être l'aiment encore). Le portrait sans concession n'en est que plus édifiant. Le dialogue entre Marie et Catherine se situe à l'extérieur, près de l'Arno, alors que le soleil se couche et que les bannis, victimes d'Alexandre, s'éloignent de Florence. Le cadre est donc en harmonie avec le pathétique du dialogue: rien ne va plus à Florence et Lorenzo semble au coeur du drame qui se joue.
Pourtant, la nostalgie des deux femmes réaffirme la complexité du personnage: comment ce jeune prince promis au plus grand destin a-t-il pu sombrer si vite et si bas. Le noeud dramatique se noue progressivement autour de cette interrogation.
La complexité du héros est bien au coeur du drame romantique qui de Ruy Blas à Lorenzaccio où Hernani nous offre des personnages aux accents shakespeariens, difficiles à comprendre, héros crépusculaires, voire anti-héros à force de dédoublements, de masques et de grimaces.