Article Philosophe de Dumarsais,Encyclopédiedre , XII, 1765
L'extrait:
Les autres hommes sont déterminés à agir
sans sentir ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même
songer qu'il y en ait. Le philosophe, au contraire, démêle
les causes autant qu'il cst en lui. [...]
La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse
qui corrompe son imagination, et qu'il croie trouver partout; il se contente
de la pouvoir démêler où il peut l'apercevoir. Il ne la
confond point avec la vraisemblance; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour
faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblable
ce qui n'est que vraisemblable. Il fait plus, et c'est ici une grande perfection
du philosophe, c'est que, lorsqu'il n'a point de motif pour juger, il
sait demeurer indéterminé. [...]
L 'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse qui
rapporte tout à ses véritables principes; mais ce n'est pas l'esprit
seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses
soins.
L'homme n’est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes
de la mer ou au fond d’une forêt: les seules nécessités
de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire; et dans quelque
état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien-être
l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de
lui qu’il étudie, et qu'il travaille à acquérir les qualités
sociables.
Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde; il ne se croit
point en pays ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la
nature lui offre; il veut trouver du plaisir avec les autres; et pour en trouver,
il en faut faire: ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui
le hasard ou son choix le font vivre : c'est un honnête homme qui veut
plaire et se rendre utile. [...]
Les sentiments de probité entrent autant dans la constitution mécanique
du philosophe que les lumières de l'esprit. Plus vous trouverez
de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire,
où règnent le fanatisme et la superstition, règnent les
passions et l’emportement. Le tempérament du philosophe, c'est
d'agir par esprit d'ordre ou par raison.
Tome XII, 1765.
Introduction
Au XVIII° siècle, personnes cultivées et écrivains relèvent tous plus ou moins, comme adeptes ou comme adversaires, de l'esprit philosophique. Ceux qui le possèdent au plus haut degré et contribuent le plus à sa diffusion revendiquent le titre de philosophes des Lumières. |
La définition du philosophe des Lumières, nous sommes allés la chercher à la source la plus sûre en la matière : L’Encyclopédie, ouvrage collectif de ces hommes de raison qui pensent rendre le monde plus libre et plus heureux en l’ouvrant au savoir le plus large. Dumarsais , en 1765, dans le tome XII de l’œuvre écrit l’article " Philosophes " qui nous servira de base pour tenter de définir l’esprit philosophique du XVIII°. |
Cet esprit, c'est d'abord un maître mot, la raison, et une méthode la méthode scientifique. Mais le philosophe veut aussi " plaire et se rendre utile " ce qui fait de lui un homme engagé dans son temps. |
Développement
I. Un homme de raison |
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Les autres hommes Le philosophe, au contraire, |
Autres : adj qui marque la distinction au contraire : loc. adverbiale mise en apposition (insistance) qui souligne l’opposition |
Déf. Philosophe par opposition |
Déterminés à agir Démêle les causes |
Connote le conditionnement (déterminisme culturel, religieux, social) ¹ Métaphore (méthode laborieuse) + ref causalité (la raison) |
Le Philosophe se distingue par la raison et par une méthode. Absence de liberté ¹ esprit critique |
Sans sentir ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu’il y en ait |
Anaphore + gradation La gradation pointe l’absence de conscience ! |
Absence d’esprit critique et ignorance profonde faute de méthode rationnelle |
Sans sentir ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu’il y en ait |
Sentir : connote l’expérience Connaître : le savoir Défauts (manques) observés chez " les autres hommes " |
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Agir, mouvoir |
CL actions |
" autre hommes " comparés à des automates aliénés |
Autant qu’il est en lui |
Tournure restrictive |
Première référence aux limites humaines du philosophe. |
La vérité n’est pas... une maîtresse qui corrompe son imagination |
Métaphore + négation Ca : maîtresse Critère : passionnel, impulsif, séduisant. |
Valeur pédagogique de l’image : toucher le plus gd nbre + Dumarsais écarte une objection que l’on pourrait faire au philosophe : celui-ci ne se laisse pas aveugler par sa quête ! |
Il se contente de |
Tournure restrictive |
Modestie et rigueur de la démarche |
Il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'apercevoir |
Reprise du terme métaphorique+ CCL + Verbe ref. vue |
Limite expérimentale qui prépare à la fin du paragraphe : savoir demeurer indéterminé ! |
il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblable ce qui n'est que vraisemblable |
Parallélisme, ellipse du GV effet pédagogique de répétition. Remarquer la tournure restrictive pour le dernier |
Rejette successivement : la vérité à tout prix, le nihilisme, le scepticisme. Enfin, il rejette l’apparence de vérité (vrai/semblable) |
Vérité/ vraisemblance Vrai/ vraisemblable |
Opposition systématique : vrai ¹ vraisemblable |
L’apparence du vrai n’est pas le vrai |
Il fait plus, et c'est ici une grande pcrfection du philosophe, c'est que, lorsqu'il n'a point de motif pour juger, il sait demeurer indéterminé |
Gradation dans l’importance des qualités du philosophe Indéterminé : renvoit à " déterminés " du paragraphe 1 |
Seule la raison conduit au vrai et le philosophe refuse toute pseudo-vérité qui ne soit scientifiquement prouvée d’abord |
L 'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse qui rapporte tout à ses véritables principes |
Conjonction de coordination, lien de conséquence |
Cette phrase sert de conclusion à cette première partie |
L 'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse qui rapporte tout à ses véritables principes |
1.Observation : contact lucide et direct avec le réel 2.Justesse : discerner le vrai du faux 3.Véritables principes : objectif final = la vérité établie |
Résume la méthode de travail du philosophe 1.expérience 2. Recherche des causes 3. CQFD |
mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins. |
Tournure gradation |
Le philosophe n’est pas réduit à un pur esprit rationnel |
II. Le philosophe et son rôle |
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A. le philosophe doit être sociable |
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un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer ou au fond d'une forêt |
Métaphore : homme/monstre solitaire Image très expressive Fonction pédagogique |
D. rejette une certaine idée du philosophe, homme de théorie qui observe le monde depuis sa tour d'ivoire |
les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire |
Répétition insistance |
Sociabilité : qualité incontournable |
Besoins, le bien-être |
Termes généraux Besoins : d’homme ? de philosophe ? Le bien-être : article défini : son bien-être ? celui de ses semblables ? |
Les explications de cette nécessité restent à préciser |
Ainsi la raison exige de lui qu’il étudie, et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables. |
Ainsi : introduit l’explication attendue Raison personnifiée : sociabilité exigée |
Sociabilité= science à dvper pour mener à bien travail de philosophe |
Ainsi la raison exige de lui qu’il étudie, et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables. |
CL de l’étude |
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B. plaire et se rendre utile |
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Sage économe |
Personne chargée de la gestion des biens matériels d’une communauté, d’une collectivité, etc. |
Terme de gestion appliqué à la nature : une relation maîtrisée par la raison |
Jouir, trouver du plaisir |
CL du plaisir |
Le philosophe : un homme de chair |
et pour en trouver, il en faut faire |
Structure de réciprocité |
Principe qui préside aux relations humaines en toute raison |
c'est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile |
honnête homme : renvoie à l’idéal du XVII° + la sociabilité interactive décrite plus haut |
Idéal philosophe des Lumières |
Probité... autant... lumières de l’esprit |
Cstruction d’égalité Probité :Qualité de celui qui fait preuve d’une honnêteté rigoureuse, qui est parfaitement intègre. |
Relation d’équivalence : celui qui pratique la raison atteint la probité La vie en société est aussi importante que la pensée philosophique : elles s’entrecroisent harmonieusement |
Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. |
Anaphore + parallélisme |
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Au contraire |
loc. adverbiale qui souligne l’opposition |
A ce comportement probe, le philosophe va opposer le fanatisme |
Fanatisme, superstition, passions, emportement |
CL de l’irrationnel |
S’oppose à la raison et provoque le combat du philosophe. |
Passion, emportement Ordre, raison |
Opposition mot pour mot |
Le fanatique est l’antithèse exacte du philosophe. |
Conclusion :
De l’étude de l’article, on retiendra les caractéristiques de l’esprit philosophique suivantes. Le philosophe est un homme qui se distingue par la raisn qui dirige sa vie. C’est pourquoi il refuse toute vérité qui n’a pas été vérifiée, dont il n’ a pas examiné selon une méthode scientifique les causes. Mais cette attitude intellectuelle ne suffit pas : le philosophe se donne un rôle social en cultivant les qualités de l’honnête homme et en essayant d’être utile à ses semblables (politique, économie, société...). Son " tempérament " le pousse à l’ordre et à la raison ce qui fait du fanatique son pire ennemi.
La Philosophie des Lumières cherche donc le progrès concret de la civillisation des hommes et c’est sans doute cette démarche qui conduisit à la conception de l’Encyclopédie, vaste ouvrage de vulgarisation des savoirs dans tous les domaines et en tous lieux établis.